Dakar - Recife 05.05.2010

"Ainsi, lorsque Mermoz, pour la première fois, franchit l’Atlantique Sud en hydravion, il aborda, vers la tombée du jour, la région du Pot-au-Noir. Il vit, en face de lui, se resserrer, de minute en minute, les queues de tornades, comme on voit se bâtir un mur, puis la nuit s’établir sur ces préparatifs, et les dissimuler. Et quand, une heure plus tard, il se faufila sous les nuages, il déboucha dans un royaume fantastique. Des trombes marines se dressaient là accumulées et en apparence immobiles comme les piliers noirs d’un temple. Elles supportaient, renflées à leurs extrémités, la voûte, des pans de lumière tombaient, et la pleine lune rayonnait, entre les piliers, sur les dalles froides de la mer. Et Mermoz poursuivit sa route à travers ces ruines inhabitées, obliquant d’un chenal de lumière à l’autre, contournant ces piliers géants où, sans doute, grondait l’ascension de la mer, marchant quatre heures, le long de ces coulées de lune, vers la sortie du temple. Et ce spectacle était si écrasant que Mermoz, une fois le Pot-au-Noir franchi, s’aperçut qu’il n’avait pas eu peur." St Exupéry.

Je relis ces quelques lignes, ai-je éprouvé les mêmes sentiments que Mermoz et les autres pionniers durant ce vol, certainement le plus incroyable que j’ai effectué à ce jour. Je n’ai pas eu peur mais j’ai douté, douté qu’il soit possible de venir à bout de ces 3'000 kilomètres d’océan dans ces conditions qui, bien que non-extrêmes, l’étaient peut être si on les ramène aux dimensions et aux performances de nos deux "moustiques".

15 heures et 30 minutes plus tôt, soulagement lorsque l’autorisation de décoller nous est accordé après quelques "malentendus" concernant notre équipement de communication HF et autorisation de vol VFR de nuit, il est 0630 et nous nous élançons l’un après l’autre sur les 3.5 km de la piste 36 à Dakar. Les avions sont lourds, la température élevé, nous grimpons péniblement à 4'000 pieds. Les premières heures passent, nous montons à 5'000 pieds pour rester au dessus des cumulus qui commencent à bourgeonner. Au loin nous apercevons déjà des masses nuageuse qui se développent et quelques heures plus tard, comme Mermoz 80 ans plus tôt, à notre tour de nous faufiler, d’obliquer, de contourner. Nous sortons finalement du temple et laissons derrière nous ces amas nuageux, le calme revint, pas pour longtemps. Nous survolons maintenant Fernando de Noronha, une oasis bien accueillante à 2 heures de vol de Natal, Natal ou la visibilité est tombée à 2.5 kilomètres sous la pluie. Fernando de Noronha nous refuse l’atterrissage sauf si nous déclarons une emergency. Devant nous encore des cumulonimbus qui nous barrent la route, la nuit tombe, le moral aussi. Nous poursuivons, la visibilité augmente à Natal mais nous décidons que malgré les 45 minutes de vol supplémentaire il est plus raisonnable de se dérouter sur Recife où la météo est bien meilleure. La côte Brésilienne est en vue puis l’aéroport ! Nous posons, les doutes s’envolent, ne reste plus qu’un tout grand moment de joie et de bonheur !

Nous avons franchit l’Atlantique Sud !

Yannick

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