EmileTaddeoli

Emile TaddéoliEmileTaddeoli, né le 8 mars 1879 à Genève, fut « mordu » de moteurs dès sa plus tendre enfance. Après des succès modérés comme coureur cycliste, motocycliste et automobile, il se sentit attiré par la troisième dimension. Ayant entendu parler de Santos-Dumont et de Blériot par ses lectures, lui aussi voulait devenir un aviateur célèbre. Au début 1909, après avoir réunit tout son pécule, il partit pour Mourmelon et se fit initier chez Blériot aux concepts de base de l'art du vol. Simultanément, ayant acquis un exemplaire de la production de son maître d'apprentissage, il se hasarda à prendre part, malgré son expérience encore assez mince, à de grands meetings au Portugal et en Italie. De retour dans sa ville na­tale, Taddeoli se procura ensuite un biplan des frères genevois Dufaux. C'est avec lui qu'il allait entamer son tour de Suisse aérien.

Atterrissage sur une roue

Lors des journées aéronautiques de Lucerne, en automne 1910, Taddeoli aura eu de la chance dans son malheur. Une rangée d'arbres lui ayant fait obstacle à l'atterrissage, il pro­clama avec un calme stoïque, tandis que pres­que indemne, il s'extrayait en rampant des débris de son appareil : « Ob Fels und Eiche splittern, ich werde nicht erzittern » (extrait d'un chant patriotique allemand, signifiant : « Que je casse du chêne ou du roc, je ne trem­blerai pas »). Bien que cela ne fût pas encore obligatoire à l'époque, notre fébrile aviateur obtint le brevet suisse n° 2, le 10 octobre 1910. Dans la foulée, il s'inscrivit pour une participa­tion aux journées aéronautiques de Berne, qui se tenaient à la mi-octobre. Et l'après-midi du deuxième jour, les jeunes « ailes helvétiques » déploraient leur première victime : le wettin­genois Hans Schmid, tué dans la chute de son monoplan Sommer lors de son deuxième vol. Ce tragique incident créa une crise dans l'aviation. Des journaux parurent, évoquant un inu­tile cirque aérien et une inadmissible insou­ciance, qualifiant les spectateurs de voyeurs avides de sensations fortes. Une semaine après ce triste événement, ayant atteint la respectable hauteur de 350 mètres, Taddeoli s'adjugeait le prix d'altitude, fort bien doté. Cet exploit, et les recettes tirées de ses nombreux vols-spectacles, lui permirent d'acquérir un monoplan Morane-Borel en avril de l'année suivante. Cet aéroplane, propulsé par un moteur Gnôme de 50 CV et similaire aux modèles de Blériot, était affublé pour des raisons inconnues du sobriquet de « poêle à frire ». Lors du départ du vol intervilles Berne-Bienne, en juin 1913, la bonne fortune fut à nouveau à ses côtés. A peine avait-il quitté le sol que l'avion perdit une roue. Bider «himself», également présent, témoin de cette mésaventure et prévoyant le pire, ramassa la roue, s'envola à la poursuite de Taddeoli (qui ne se doutait de rien), et l'ayant rejoint, s'efforça de le rendre attentif au problème par des signes de la main. Taddeoli comprit à peu près de quoi il s'agissait, mais voulut s'en assurer. Déchirant à coups de pied l'entoilage du fuselage, il ne put que constater de visu la disparition de sa roue. Etant ainsi informé, il procéda aux préparatifs adéquats. Parvenant à incliner son avion vers la droite lors de l'atterrissage à Bienne, il se posa sans difficultés.

Pilote d'usine à Sesto Calende

Emile Taddéoli

Au cours des années suivantes, Taddeoli vécut toutes les joies et peines d'un infatigable aviateur de «shows». Prix d'honneur et atterrissages en catastrophe, records et capotages, se succédèrent sans interruption. Sa demande d'admission dans les Troupes d'aviation fut rejetée. Unique raison : il était marié. Pendant un temps, il gagna sa vie comme pilote de passagers et de distance, avant de tourner le dos à sa patrie. Il alla « frapper à la porte » des usines Savoia à Sesto Calende, à l'extrémité sud du lac Majeur, et fut engagé sans autres formalités comme pilote d'usine. Chez ce constructeur d'hydravions, leader en Europe, la pro­duction du type S-13, dote d'un moteur Isotta-Fraschini de 160 CV, tournait à plein régime. Des documents de fabrique révèlent qu'au cours de ses cinq années d'activité dans l'usine, Taddeoli avait procédé à la réception et aux essais en vol de 2700 avions. En parallèle, il veillait à ce que les pro­duits de son employeur fassent les gros titres. Au début 1919, il fut le premier à traverser les Alpes en hydravion, entre Sesto Calende et San Remo; six mois plus tard, en une heure 50 minutes et avec un passager à son bord, il reliait le lac Majeur et le lac Léman, en survolant le massif du Mont-Blanc. Le S-13, qu'il connaissait sous toutes les coutures comme personne, devait pourtant lui être fatal un an plus tard. Le 24 mai 1920, à l'occasion des journées aéronautiques de Romanshorn, Taddeoli s'embarquait pour son dernier vol, en compagnie de son mécanicien tessinois Giova­nelle. On put lire le lendemain, dans le St. Galler Tagblatt : « A une hauteur de quelque 400 mètres, l'appareil se diri­geait tout droit vers l'aérodrome. Pendant un moment, on eut alors l'impression que des feuilles de papier ou des jour­naux étaient comme jetés depuis le fuselage, dont se sont ensuite arrachées les surfaces portantes droites, puis gauches peu après. Les ailes ont encore voltigé quelques instants dans l'air, tandis que le fuselage, en léger mouvement spiralé tout d'abord, s'est abattu verticalement dans le lac. » Emile Taddeoli fut la 17e victime parmi les 49 aviateurs suisses brevetés avant la Première Guerre mondiale.

(Texte intégral de Otto Britschgi. AeroRevue 10/2007.)

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